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Le blog d'un auteur raté
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30 mars 2007

Extrait de "[ex]pulsions", thriller footballistique

Un sanglier ! Jesus Ramos ressemblait à un sanglier ! Jean-Marie Mazzini sourit pour lui-même, pendant que le manager de Fernando achevait de feuilleter le contrat qui allait lier son joueur à l’Olympique de Paris. Peut-être…

Bah… Aucune raison de s’inquiéter. Le rustaud brésilien avait déjà eu le temps de faire étudier la centaine de pages par ses juristes. D’ailleurs, il reposa finalement le document sur la table basse en soupirant. Un sourire matois arqua les lèvres de Mazzini : pas ce petit jeu, Ramos… Pas avec moi…

Il connaissait par cœur les exigences de dernière minute, les petits chantages d’avant signature. Il ne cédait jamais. Le brésilien leva les yeux sur Jean-Marie. Il le jaugeait. Il le sondait. Jean-Marie avait une prestance de circonstance, avec regard minéral assorti ; l’attitude avait fait ses preuves, rodée depuis des années dans d’âpres négociations. Sous des dehors flegmatiques, il savourait l’intensité de ces instants décisifs. Il avait quitté la florissante entreprise paternelle, dont la direction lui était pourtant promise à brève échéance, justement pour vivre ce genre de minutes funambules, veiné de l’euphorie jubilatoire d’une adrénaline canalisée.

   Ca me paraît ok, lâcha finalement Jésus Ramos, dans un français rocailleux.

Le sanglier avait renoncé à la guerre des nerfs.

   Dites : personne n'est au courant que vous êtes ici, c'est sûr ?

   Personne, senor Mazzini. Personne. Nous ne sommes pas venus directement à Paris. Et avec des faux passaportes : senor Tabarez et senor Fonseca,  comprende ?

   Comprendo, comprendo...

Mazzini avait été présenté à Fernando en arrivant, puis ce dernier s’était éclipsé par la porte de communication vers ses appartements. Il était temps de revenir, temps de signer, drôle de sentiment tout à coup, malaise diffus.

Pendant que les deux hommes d’affaires paraphent son futur, le jeune prodige chantonne sous la douche, un massacre osé de « je n’ai pas changé » entrecoupé d’incursions lexicales dans la langue française, à l’élégance discutable et à la prononciation approximative, « bonyour madémoiselle », « volié vos coché abec moi cé soir ? » et autres « encoulé » qui le font ricaner sous le jet tiède.

Il s’interrompt brusquement. Un bruit dans la pièce adjacente. Il tend l’oreille. Rien. Il hausse les épaules et reprend ses travaux pratiques, « yé né pas chanché ».

Dans la pièce voisine, Jésus Ramos se lève.

   Bon, yé bé aller chercher Fernando.

C’est ça, va le chercher, on signe et je me casse. Jean-Marie n’aimait pas le manager au regard vicieux. Il avait soudain hâte que tout se termine.

Au moment où le sanglier brésilien atteignait la porte de communication – n’étaient-ce pas plutôt des phacochères par là-bas ? se demanda Jean-Marie -, on frappa à la porte d’entrée. Ramos alla ouvrir, laissant entrer dans un grand sourire vorace une jeune femme poussant un chariot. Cristal Roederer Brut Millésimé 1976, et trois coupes. 

*

[…]

*

Ramos reluquait la fille, qui semblait habituée à ce genre de spécimen mateur.

   Yé n’ai rien commandé. Mais si yé dévais choisir, yé né prendrais pas le champagne...

Certainement la manière phacochère de dire merci…

   Ca s’arrose, non ? dit Jean-Marie.

Bourrelé par son inexplicable angoisse, il regrettait pourtant déjà son geste grand seigneur.

   Senor Mazzini, vous nous gâtez ! Yé vais chercher Fernando.

Mais Ramos ne bougeait pas, les yeux braqués sur les fesses de l’imperturbable serveuse, qui proposa de déboucher le champagne.

*

[…]

*

Le rideau de douche s’écarte sèchement. Fernando a un petit sursaut de stupeur, puis éclate de rire en découvrant une apparition en survêtement, le visage recouvert d’un masque à l’effigie de Michel Platini.

Aucunement gêné par sa nudité, il ouvre la bouche pour parler mais c’est un flot de sang qui en sort. Son idole en latex vient de lui enfoncer une lame dans les entrailles.

L’agresseur frappe trois autres coups et lève le bras pour en porter un quatrième à la gorge d’un Fernando gisant au fond de la baignoire.

Bruit de porte.

   Fernando ! Fernando, vien aqui, para biber champagne !

« N’approche pas… N’approche pas… »

   Fernando ! ?

« Reste où tu es… »

Ramos marque un temps d’arrêt puis, intrigué par le silence de son joueur, traverse le salon et la chambre en direction de la salle de bains.

« N’approche pas, tu vas m’obliger à… »

   Fernando, arriba !

Ses derniers mots : une lame de trente-sept centimètres aiguisée en diable lui a tranché la gorge.

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